Le metteur en scène québécois et directeur du Théâtre La Colline à Paris, Wajdi Mouawad a écrit Notre Innocence, une pièce qui se veut choquante et bouleversante. Inspiré de ses propres expériences dramatiques ainsi que ceux de ses élèves au Conservatoire de Paris, ce spectacle est un reflet de la jeunesse qui se pose des questions sur sa raison d’être au milieu de ce monde et de sa violence.
Par Romain Lambic
L’écriture de Notre Innocence a été inspirée par des drames personnels et collectifs. Ce texte se veut être un hommage à un camarade de Wajdi Mouawad, qui s’est suicidé alors qu’il étudiait le théâtre au Québec, ainsi qu’à une élève du Conservatoire d’Arts Dramatiques de Paris, Camille Jacoulet, décédée en 2016 dans la fleur de l’âge. Les attentats de Paris en novembre 2015 ont également pesé dans l’écriture de cette pièce.
Le spectacle commence par une longue introduction. Les 18 acteurs de cette pièce récitent à l’unisson un texte nommé « Choeur de viande », qui place le contexte de l’histoire tout en se voulant être un message fort à destination des aînés de la jeunesse. Dans cette introduction, intitulée « le sang », nous faisons la connaissance de Victoire, une jeune comédienne et étudiante au Conservatoire de Paris, qui emménage à Aubervilliers, dans l’appartement d’un immeuble du XIXe siècle s’étant imprégné de la sombre histoire de ses anciens occupants. L’un était boucher, tant dans la vie quotidienne avec les bêtes que dans les tranchées de la guerre avec ses adversaires. Le suivant a fini broyé et décapité par une machine. Victoire, qui a alors une vingtaine d’années et est mère d’une jeune fille – Alabama, s’est défenestrée. Vient l’acte suivant, « la chair ». Les camarades de Victoire au Conservatoire font la fête et ne se doutent pas un seul instant de ce qui s’est passé.
Une ode à la vie
Dans « Le Corps », ils ont appris la nouvelle. Ils se sont tous réunis autour d’une table. Choqués par la disparition soudaine de leur camarade, ils crachent leurs vérités. Chacun montre ce qu’il est au plus profond de lui. Sarah n’arrive pas à croire au suicide. Maxime ne croit tout simplement pas à la mort de Victoire. Emmanuel essaie de convaincre que personne n’est responsable. Hayet veut faire un geste et Théodora se préoccupe d’Alabama. Lucie voudrait jeter tout le monde par la fenêtre. Maxence dénonce l’hypocrisie de chacun. Lisa se sent obligée de pleurer Victoire, tandis que Mounia ne montre aucune pitié. Pour Julie, Victoire ne pensait qu’à sa gueule. Yuriy est fatigué par le relativisme ambiant. Il y a ceux qui sont détachés pour évacuer leur choc. Mohamed dort, Hatice fait des blagues – pas drôles – et Charles joue d’un instrument étrange. Pendant que Paul tente d’organiser tout le monde.
Les échanges sont violents, ils sont un parfait reflet de la complexité de notre monde et des questions que se pose la jeunesse sur leur place dans cette société de consommation et de tension permanente. Ils nous remettent nous-même en question sur notre relation à la vie, à la mort, à la relation aux autres et comment les autres nous perçoivent.
L’acte suivant, « L’Esprit » est très touchant et bouleversant, nous accompagnons Alabama dans sa quête, dans la recherche des réponses à ses questions et sur ce qui est arrivé à sa maman. La fin du spectacle se veut être une ode à « La Vie ». Nous sommes tous touchés, à un moment ou à un autre, par la perte d’un être proche ou de certaines personnes dont nous ne connaissons rien. La peine nous permet de nous rendre compte que nous sommes vivant et qu’il faut surmonter ces épreuves et faire face, ensemble, aux obstacles et aux défis de la vie pour rester fort et profiter de chaque moment passé avec les autres ou avec soi-même.
(crédit photo de Une: Photo © Tuong-Vi Nguyen)
Théâtre de la Colline: Notre innocence, du 14 mars au 11 avril – http://www.colline.fr/fr/spectacle/notre-innocence