Passionné d’histoire, fasciné par les guerres et par la folie qu’elles engendrent, Jean-Pierre Lefebvre a relevé le défi lancé par son père : partir sur les traces de son grand-père paternel, Charles Lefebvre, soldat pendant la Première Guerre mondiale.
Par Charlotte Lopez
Avec un père féru de généalogie, Jean-Pierre Lefebvre, qui travaille au Service de la reconnaissance des acquis à l’UDEM, ne pouvait que se retrouver à, lui aussi, faire des recherches sur sa famille.
Tout a commencé en 2010 où père et fils ont décidé d’en découvrir davantage sur le premier Lefebvre qui a quitté la France pour la Nouvelle France, au XVIIe siècle. « On s’échangeait nos recherches, puis, en 2010, nous avons décidé de partir en France sur les traces de notre ancêtre, explique Jean-Pierre. On est allé dans son village, on a trouvé les archives de son mariage, sa maison, et on a engagé un professeur d’Université qui sait lire le vieux français pour nous traduire des notes manuscrites des archives de Caen. »
Le but de ce voyage était donc de comprendre pourquoi le premier des Lefebvre était parti en Nouvelle-France en 1646. Leur généalogie s’est alors concrétisée et a été symbolisé par le drapeau Normand, leurs origines. « C’est ce voyage de deux semaines qui a été le point de départ de l’intérêt de notre famille », confie Jean-Pierre Lefebvre.
[caption id="attachment_11865" align="alignleft" width="300"] Jean-Pierre Lefevre (Crédit photo : Charlotte Lopez)[/caption] Mon père m’a lancé un défi : « j’aimerais ça que tu réussisses à trouver les puzzles »Le père de Jean-Pierre a par la suite commencé à faire des recherches sur son propre père, Charles Lefebvre, qui a participé à la Première Guerre mondiale. « Au fur et à mesure des recherches, il y avait des évènements de sa vie qu’on ne comprenait pas, donc nous sommes allés aux archives nationales du Ministère de la Défense canadienne à Ottawa, lance Jean-Pierre. Même si c’était encore des microfiches, nous avons trouvé le rapport de mobilisation et de démobilisation de mon grand-père. »
Après cette découverte, son père lui a lancé un défi qu’il a relevé en partant dix jours dans le nord de la France au mois de juillet dernier : reconstituer le puzzle de l’histoire de Charles Lefebvre. « Je me suis replongé dans le rapport qu’on a trouvé et j’ai aussi eu la chance de rencontrer M. Carl Bouchard, professeur d’histoire à l’Université de Montréal, spécialiste du XXe siècle et de la Première Guerre mondiale, indique-t-il. Il m’a envoyé des sites précis de recherches, et là j’ai trouvé des choses très intéressantes. J’ai alors décidé de partir en France dix jours. »
Un photo-reportage et un journal de bord de son voyageL’idée de son projet est de réaliser un photo-reportage et un journal de bord des découvertes faites au fur et à mesure de son voyage : « J’ai fait ça de manière très rigoureuse, chaque jour je récupérais l’information et j’écrivais dans mon journal. Je suis revenu sur le site exact où mon grand-père a fait ses batailles. J’ai découvert un homme, et j’ai essayé de comprendre ses motivations à partir en guerre avec la France à l’âge de 21 ans. »
Il écrit dans son journal de bord : « Ce type de projet de recherche sur le terrain me fait penser à une aventure de journaliste d’enquête à la Tintin. Je ramasse les morceaux et je tente de composer le puzzle d’une histoire achevée depuis bientôt 100 ans! (2017…) »
Ses recherches l’ont également amené à comprendre la société française de l’époque, ainsi que la société québécoise de Montréal au début du XXe siècle. « Je pense que s’il est parti en guerre à cet âge-là, c’est davantage à cause du contexte socio-économique de l’époque à Montréal, qu’à cause de la fibre nationaliste, confie Jean-Pierre. Je pense, sans être sûr de rien, que c’était plus une motivation pour se sortir de sa misère, de sa vie ouvrière et misérable ; bien qu’il ait pu être imprégné des discours pro-France de l’époque. »
Un Canadien-français bilingue au début du XXe siècle ?Étant bilingue français et anglais (très rare à cette époque !) Charles Lefebvre a été engagé au départ dans la guerre comme Book Keeper. Il notait et vérifiait le contenu des marchandises, les approvisionnements des trains, le matériel au départ comme à l’arrivée, près des champs de bataille. « C’est un grand mystère pour moi de savoir que mon grand-père, un ouvrier de Montréal, était bilingue et qu’il était dans un monde anglophone pendant un temps à North Bay, dans le nord de l’Ontario. Je ne comprends toujours pas pourquoi aujourd’hui », s’interroge-t-il.
Après plusieurs recherches, la majorité sur internet, mais également dans les rapports d’archives du Ministère de la Défense canadienne, Jean-Pierre a trouvé le régiment et le bataillon dans lesquels était son grand-père. « Dès son entraînement militaire à Timmins en Ontario et tout au long de la Grande Guerre, il s’était engagé dans le 228e Bataillon de la Northern Fusiliers, de la 6e unité, puis vers la fin, il était avec la 4e unité. »
C’est en trouvant le journal de bord du capitaine de l’unité que Jean-Pierre Lefebvre a pu parcourir exactement le chemin effectué par le régiment et le bataillon de son grand-père pendant la guerre. C’est comme ça qu’il est parti à la découverte des champs de bataille du nord de la France…
La suite à paraître dans l’Outarde Libérée la semaine prochaine.]]>