Du 9 au 13 aout, des graffeurs internationaux se sont réunis sur la rue Ste Catherine, entre Saint-Dominique et Sainte-Élizabeth, pour représenter au mieux leur art et laisser leur empreinte à Montréal. Nous avons eu l’opportunité de rencontrer Kuby, membre de l’association PAF & KIF qui a pour mission de fédérer la communauté du graffiti en Nouvelle-Calédonie. Très avenant et passionné par son art, il a partagé avec nous sa vision du graffiti, de leur crew, leurs parcours respectifs et leur envie commune.
Entrevue recueillie par Léa Villalba
Léa : « Cette année, le thème choisi est « underdog » c’est-à-dire « talents dans l’ombre », est-ce que c’est comme ça que vous vous considérez ? »
Kuby « C’est un petit peu difficile de dire comment on se considère. La plupart du temps, on essaye de pas trop juger trop travail nous-même, on le laisse juger par les autres. Si on a du talent ou pas, j’crois que c’est pas à nous d’en juger, c’est plus aux badauds, au public qui passe, au gens qui voient notre fresque. »
Léa : « 15 000 km vous sépare de votre pays, ce n’est pas trop de pression de représenter la Nouvelle Calédonie dans le monde du graffiti ? »
Kuby : « A nous quatre, je pense qu’on a une approche différente parce que Yekso et Lon’s sont natifs du pays, Zay et moi-même non. Mais on a cette envie, tous les quatre, de représenter vraiment au mieux le pays d’où on vient, que ce soit de cœur ou de naissance. Et on appréhende tous les quatre un peu différemment ce stress. Moi je suis le stressé de la bande, le gros gros stressé de la bande et puis je suis là à faire un peu chier mon monde, à les bouger ! (rires) On a des approches différentes mais au final, on a envie d’aller au même point qui est de faire la fresque la mieux possible et la plus représentative de la Calédonie. »
Léa : « Que représente Montréal pour vous ? »
Kuby : « Moi, j’étais venu l’année dernière, j’ai été invité sur le Under Pressure. Zay son frère est ici. Yekso et Lon’s c’est la première fois pour eux. Je pense pas me tromper en parlant au nom de la bande en disant que nous on est comme des gosses à Noel en train d’ouvrir les cadeaux. Chaque jour c’est un nouveau cadeau, c’est un présent différent, on est super heureux. Le nombre de personnes avec qui on connecte, le nombre de gens qu’on rencontre, on rencontre de grands artistes qu’on suit depuis quelques temps, depuis quelques années même comme le 123Klan, on revoit Monky qui est venu chez nous en Calédonie, on recroise plein de gens !
Montréal est hip-hop, Montréal est définitivement une ville hip-hop au-delà du fait que ce soit un festival hip-hop y’a beaucoup de valeurs qui sont véhiculées : le partage, l’unité tout ça, j’aime beaucoup, on aime beaucoup. On se régale ! »
Léa : « Quels sont vos parcours respectifs et comment vous êtes-vous rencontrés ? »
Kuby : « Yekso et Lon’s font partie du crew ATM depuis 2004. Eux ils ont œuvré dans l’ombre et dans la lumière pour développer le graffiti en Nouvelle Calédonie depuis ces années-là. Zay fait partie du GB crew et a commencé dans les mêmes années. Et pour ma part, j’ai commencé en 97, à Marseille et je suis arrivé en Nouvelle Calédonie y’a quatre ans. Tout de suite, besoin de se rattacher à ma deuxième famille qui a toujours été le hip-hop, le graff, le rap etc… Donc j’ai rencontré Yekso, j’ai rencontré Lon’s, toute la bande des ATM, les WS etc …
Et petit à petit on a commencé à faire des fresques ensemble, une fresque en entraîne une autre et puis un jour, réflexion « et si on faisait un festival international de graff au pays » et on l’a fait l’année dernière, c’était le premier en décembre. Du coup on a monté une asso, on s’est tous rassemblé en se disant « on garde toujours notre identité, nos crews, notre façon de travailler de notre côté, mais par contre, de temps en temps, on se rassemble sous une même identité et on essaye de monter des gros projets et c’est ce qu’on a fait avec le PAF event, et ça nous a vachement soudé et c’est ce qu’on fait ici aussi. »
Léa : « Comment vous décririez votre art en général ? »
Kuby : « Moi, j’ai un graffiti très européen. Donc j’ai pas vraiment l’impression d’avoir une particularité. Je fais ce qu’il me plait. Je peux faire du lettrage, du portrait, des animaux etc… mais c’est vrai que j’ai un style assez européen, j’ai grandi en France hein… Plus inspiré du côté espagnol pendant quelques années, assez friand du graffiti allemand, assez fan de Tasso qu’on a rencontré en Décembre au PAF event. ATM eux ont un style beaucoup plus océanien, plus basé sur les cultures traditionnelles comme les motifs que ce soit des motifs polynésiens ou des motifs wallisiens, motifs canaques etc …
Yekso est vraiment très spécialiste de tout ce qui est chambranle, totems, tout ce qui est à base de bois, les sculptures etc … C’est extraordinaire.
Zay est plus polyvalent, il fait de très beaux lettrages, des personnages un peu BD, et en même temps, vu qu’il est né en France et qu’il a grandi en Nouvelle Calédonie, il est arrivé très jeune, il est très marqué par le style océanien, par tout ce qui est bambous gravés, totems, tout ce qui est traditionnel, culturel quoi. Je pense que c’est le plus polyvalent de nous quatre en fait vraiment. »
Authentiques et professionnels, les quatre artistes ont œuvré pendant quatre jours pour confectionner cette immense fresque détaillée. On a pu y voir un totem, une belle tortue, des fleurs caractéristiques de la Nouvelle-Calédonie et bien d’autres dessins, encore en cours lors de notre passage. Elle attend désormais le public montréalais sur les murs des Foufounes électriques, dans le rue de Bullion. C’est un petit bout de la Nouvelle-Calédonie que nous ont laissé Kuby, Yekso, Lon’s et Zay à travers leur art, et leur cœur.
(crédit photo: Léa Villalba)
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