Les conflits et les camps de réfugiés génèrent souvent des images spectaculaires pour frapper l’opinion. Lors de son voyage en Jordanie en 2012, Valérian Mazataud, photojournaliste français du Québec, a choisi la banalité des objets du quotidien emportés par les réfugiés syriens, pour figer, le temps d’une photo, la détresse humaine de ses populations oubliées.
On ne peut s’empêcher de plonger dans le quotidien de ces enfants, de ces femmes et de ces hommes, contraints de fuir leur pays. Un Coran, un pendentif, un dessin d’enfant, sortent soudain de la banalité du présent pour devenir les symboles d’une existence passée. Valérian Mazataud expose depuis la semaine dernière à la maison de la culture du Plateau-Mont-Royal, une vingtaine de ses photographies rapportées d’un photoreportage dans un camp de réfugiés syriens en 2012. Et dès les premiers clichés, on pénètre dans ce camp au nord de la Jordanie, à la frontière syrienne. L’œil du jeune photographe n’a pas capté d’images chocs ou spectaculaires, mais de simples objets du quotidien. « En tant que journaliste indépendant, j’ai voulu aller chercher quelque chose de différent, et les réfugiés ne voulaient pas que je photographie leur visage; un objet permet de comprendre un peu leur histoire et il traduit ce statut de réfugié », explique Valérian Mazataud.
Le jeune photographe français n’est pas un inconnu des médias au Québec. Arrivé dans la belle province il y a sept ans, il a trouvé dans la photographie un moyen non verbal de communiquer, « un support très intéressant dans lequel je me retrouve beaucoup », précise-t-il. C’est son outil d’analyse pour essayer de comprendre sur le terrain des choses qui l’intriguent. Photographe indépendant pour Le Devoir, La Presse ou l’Actualité , il travaille aussi avec des médias américains ou européens. Depuis 2010, date à laquelle il remporte la bourse AJIQ-Le Devoir, ce surdoué du photojournalisme collectionne les prix et expose aujourd’hui en solo pour la deuxième fois.
Québécois d’adoption, il reconnait qu’il est plus facile de travailler au Québec et d’entrer en contact avec les rédactions. Il apprécie l’approche québécoise de la photographie, un style nord-américain mâtiné de photojournalisme français. « Il y a presque une école montréalaise ou québécoise, et des photographes comme Benoît Aquin ou Michel Huneault influencent ma manière de travailler », confie Valérian Mazataud.
Ingénieur agronome de formation, spécialisé en biologie marine, le photojournaliste a cependant un penchant pour les sujets qui touchent les droits humains, les minorités ou les réfugiés, qu’il s’efforce de définir. « Ils forment une nation transnationale, car ils ne sont jamais citoyens des pays dans lesquels ils vivent, et ils ne retourneront jamais dans le pays d’ou ils viennent. » Un objet est finalement la seule chose qui reste d’eux. Les enfants, qui forment souvent 50% des rangs des réfugiés, s’accrochent à un ballon, un bracelet ou à leurs jeunes souvenirs. « Une génération complète aura grandi dans la violence et les refuges », s’insurge le photojournaliste, Alors si l’approche est moins spectaculaire, « on reste néanmoins dans l’horreur banale des petits objets et des habitudes du quotidien », conclut Valérian Mazataud.
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« De nous il ne reste plus personne », exposition du 21 février au 30 mars 2014, à la maison de la culture du Plateau-Mont-Royal, 465, avenue Mont-Royal Est, Montréal (en face du métro).
(crédit photo : Johan Demarle)