Par Sarah Wargny, journaliste à Paris
Le nouvel Immortel, Dany Laferrière, a tenu sa première rencontre publique de l’année sur le sol français, ce mardi 27 janvier au soir. La bibliothèque Gaston-Miron des études québécoises a invité l’auteur de « l’art presque perdu de ne rien faire », paru en septembre 2014, pour parler de son livre, mais aussi de son sport de prédilection : la lecture. Québécois, Français et même Haïtiens s’empressent dans la bibliothèque Gaston-Miron, aux études québécoises de l’université Sorbonne-Nouvelle. Le public attend sagement l’arrivée du nouvel académicien, Dany Laferrière. Ce québécois d’origine haïtienne est venu parler de son nouveau livre « L’art presque perdu de ne rien faire », sortie en septembre 2014 en France, en compagnie de l’association Cousins de personne. Cette association franco-québécoise réalise la promotion de « jeunes plumes », « même si ce soir ce n’est pas vraiment le cas ! » s’esclaffe Marie Noëlle Blais, libraire et fondatrice de l’association. Une dégustation littéraire Son nouvel ouvrage est un hommage à la lenteur, à la dégustation du temps présent. « Plus c’est long, plus ça arrête la personne », explique Dany Laferrière. Et c’est avec un passage, « l’art de manger une mangue », qu’il entame cette rencontre. « Je suis un mangeur de mangue, je mange la vie ! », lance-t-il avec humour. Les comparaisons avec la cuisine ne manquent pas d’ailleurs : « Il faut respecter son travail, on ne peut pas dévorer un livre en trois heures alors qu’il lui a fallu trois ans pour l’écrire. Il faut savoir déguster un livre comme un bon plat ». Entre le Québec, la France et Haïti, la principale patrie de cet auteur n’est autre que la bibliothèque. « Avec la dictature, j’allais ailleurs, pour qu’on ne me retrouve pas », souffle-t-il. Mais ce littéraire sans frontières reste modeste quant à sa position : « Il n’y a pas de grand écrivain, il y a des grands lecteurs ». L’oral, qui est devenu secondaire face à la lecture silencieuse, trouve, ici, son défendeur. « Les histoires sont avant tout orales. C’est d’ailleurs pour cela qu’après avoir écrit un livre, on en revient à la parole », souligne-t-il. L’idée de rencontrer et de pouvoir parler des livres, anime cet écrivain depuis ses débuts. Éloge du lecteur Avant d’être un écrivain, Dany Laferrière est avant tout un lecteur, un « affamé d’alphabet ». « J’ai lu des livres qui manquaient des pages. Je ne connaissais donc ni l’auteur, ni le titre du livre », raconte Dany dans un éclat de rire. Il poursuit ses digressions, et met en avant l’importance du lecteur, souvent dénigré : « Le lecteur est souvent considéré comme un écrivain raté. Alors qu’un grand lecteur, c’est très rare ». Un hommage à ces lecteurs venus le voir, aux lecteurs dans leur totalité qui « écoutent ce qu’un mort a à leur dire ». Un clin d’œil à Haïti, qui « a produit de nombreux lecteurs ». L’auteur critique aussi cette élite littéraire qui « oublie le personnage du lecteur », alors même qu’il « contribue de toutes les manières au livre ». La discrétion d’un Immortel L’entrée à l’Académie française, au printemps 2015, ne change en rien cet homme drôle, modeste et passionné des mots. « Je ne suis pas différent. Comme dirait Apollinaire : je demeure.» Mais cet homme reste toujours très discret au sujet de son entrée à la coupole. « Je n’y suis pas encore entré, je ne peux rien vous dire. Je n’en ai même pas encore discuté avec ma femme ! », plaisante l’académicien. Le siège n°2 qui l’attend, laissé par Hector Bianciotti, révèle un passé à son image. Comme lui, son prédécesseur fut de nationalité étrangère, et en remontant un peu plus loin, on y retrouve Dumas fils, écrivain haïtien lui aussi. Entre-temps, Dany Laferrière pourra plaisanter et parler de ces ouvrages, lors des trois prochaines rencontres publiques, organisées à Paris les 10, 21 février, et le 3 mars prochains. (crédit photo Une : JF-PAGA-©-Grasset-2014) (crédit photo Texte : Sarah Wargny)]]>