À 26 ans, le graffeur franco-canadien FONKi réalise jusqu’à dimanche une des dix-sept peintures murales pour le compte du 4e Festival MURAL de Montréal (jusqu’au 19 juin), présenté comme le plus grand festival d’art urbain en Amérique du Nord. Très présent sur l’événement, il y a apporté sa contribution à l’Expo 360 et son documentaire « Retour aux sources », primé aux dernières RIDM (Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal) sera diffusé ce soir au parc du Portugal. Une consécration de plus pour cet artiste qui met en lumière ses origines cambodgiennes dans son œuvre.
Par Théodore Doucet, journaliste
À notre arrivée proche du croisement des rues Saint-Urbain et Duluth, le jeune homme au masque de protection descend acrobatiquement de son chariot élévateur, alors qu’il débute les esquisses du mur que le festival lui a alloué. « Ce sera la Madone revisitée », explique l’auteur. Sur l’arrière de son épaule, cette citation : « J’vais là où la vie m’mène, là où mes pieds me traînent ». La devise, tirée d’une chanson du groupe de rap français Fonky Family a mené FONKi (trouvez le lien) au Cambodge, pays de ses parents, et par extension à l’apparition de son style unique et reconnu dans le microcosme de l’art urbain.
En 2012, le tagueur d’alors part sur les terres de sa famille, un « petit pèlerinage » d’un mois. Il tombe sous le charme de l’art khmer à la cité d’Angkor, notamment le Kbach (prononcer q-baï), ce style ornemental de l’ancien empire oriental. Depuis, les murs qui tombent sous ses bombes de peinture s’imprègnent de ces dessins ancestraux : « Je les retranscris de manière plus moderne en graffiti, je réadapte les formes et les allonge, je reprends des éléments tout en gardant aussi mon flot de lettrage. Je reprends plein de symboles parce qu’il y a beaucoup de mythologie cambodgienne. C’est ce qu’on retrouve dans les temples, tous les contes, la création du monde des trucs comme ça. Ange démon, le bien et le mal, les Apsaras (des nymphes célestes, que l’on retrouve également en Inde, NDLR), etc. »
« Je m’inspire des ornements ancestraux khmers »
Parti dans le même temps à la rencontre de la scène artistique de la génération post-génocide au Cambodge, ainsi que pour créer une murale en hommage aux membres de sa famille disparus, FONKi en est retourné avec « Retour aux sources », un documentaire récompensé par deux prix aux derniers RIDM (Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal). Ce film sera présenté gratuitement à 21h ce soir (jeudi 16 juin) au parc du Portugal dans le cadre du festival MURAL.
Né en France, le garçon et sa famille déménagent à Montréal lorsqu’il a quatre ans. Depuis ses toutes jeunes années, le Franco-canadien a la manie de dessiner sur tous les supports : « J’ai toujours dessiné gribouillé sur le plancher, quand je le faisais ma mère me mettait toujours des raclées, chez mon oncle j’avais un penchant à gribouiller sur les murs. » À 15 ans, un de ses amis lui fait découvrir le graffiti à l’école et lui donne le goût de partir à l’aventure de la ville : « Il faisait un lettrage sur papier, des lignes 3D. Je lui demandais “montre-moi ce truc”, après il m’a appris toute la culture derrière le tag, puis on a chopé des bombes et on allait taguer tout le soir. Il m’a dit de choisir un nom et le but était de le mettre partout. » C’est de là qu’en 2005 FONKi a monté son « crew » de graffeurs montréalais, la FT.
Des ateliers d’art donnés à des jeunes asiatiques
Ces signatures urbaines, considérées comme du vandalisme par les autorités sont aujourd’hui révolues pour FONKi. L’artiste vit désormais de ses « fresques », reçoit des commandes sur toile avec carte blanche, repart régulièrement en Asie du Sud-Est pour animer de nouveaux frontons et établir des liens avec les populations locales. Début juin, il était aux Philippines et au Cambodge en partenariat avec l’ONG Vision Mondiale, organisatrice de l’Expo 360 au Festival MURAL.
En plus de réaliser un graffiti sur le bâtiment de l’UNESCO Cambodge, il a donné des ateliers d’art à de jeunes Philippins. « Avant, je faisais des tags pour que les gens les voient. Avec le peu de matériel que j’ai aujourd’hui je trouve une énergie très puissante dans le fait de partager le dessin avec des jeunes.» Et de se souvenir de son premier mur à la bombe de peinture : « J’étais trop loin du mur et ça a juste fait de la fumée ! », s’amuse-t-il de ses yeux rigolards.
(Crédits Photos : Théodore Doucet, Page Facebook de FONKi)