Le fait francophone canadien a toujours été déterminant dans les relations franco-canadienne en matière de sécurité. Et même si l’ombre américaine plane sur l’armée canadienne, le rapprochement entre la France et le Canada en matière de coopération militaire est de plus en plus la réalité du XXIème siècle.
« Le rapprochement dynamique entre nos deux pays est une tendance de fond », affirme le Capitaine de vaisseau Christophe Balducchi, attaché de défense à l’ambassade de France au Canada. Mardi dernier, il répondait à l’invitation du Centre Interuniversitaire de Recherche sur les Relations Internationales du Canada et du Québec (CIRRICQ) à Montréal, qui organisait une conférence sur les relations France-Canada en matière de sécurité et de défense.
Pour le militaire, l’un des principaux éléments déclenchants de ce rapprochement, est la décision de ne pas intervenir en Irak aux côtés des américains en 2003. « On s’est retrouvés », complète Christophe Balducchi. Il trouve un écho dans les propos de Justin Massie, directeur de recherche au CIRRICQ, professeur à l’Université du Québec à Montréal, et auteur du livre « Francosphère ». « La décision canadienne de ne pas intervenir en Irak a été façonnée par le refus français », explique le professeur Massie. Il appuie ses propos par la déclaration de Jean Chrétien, alors premier ministre du Canada : « Le Canada ne pouvait s’isoler diplomatiquement », sous-entendant ainsi que si la France avait suivi l’intervention américaine en Irak, le Canada n’aurait pas eu d’autre choix non plus.
Le fait français
Pour Julien Massie, le fait français, qu’il appelle la « francosphère », est toujours important dans les relations franco-canadiennes, car même si la tradition britannique et l’influence américaine sont indéniables, la relation reste triangulaire, entre Ottawa, Québec et Paris. Il ajoute que le Canada a toujours fait la guerre pour et aux côtés de la France, et que l’identité canadienne est façonnée par le fait français. Pour Julien Massie, la France est importante pour le Canada, pour éviter d’être uniquement un satellite des États-Unis, même si l’hexagone ne le perçoit pas toujours. Le Capitaine de vaisseau Balducchi confirme que, si les relations étaient quasi-nulles sur le plan opérationnel dans les années 70, la France et le Québec ont été sollicités pour développer le français dans les forces canadiennes. L’accord militaire franco-canadien, signé en 1972, portait essentiellement sur cet aspect.
L’OTAN, une vue identique
Depuis, malgré un armée canadienne dans le giron anglophone, et une armée française prisonnière de sa francophonie et de sa « françafrique », les relations se sont intensifiées, car les deux pays partagent des vues identiques sur l’usage de la force, sur l’OTAN, développent des coopérations militaires et partagent des vraies complémentarités. Le retour de la France dans l’OTAN en 2009 a fluidifié les échanges entres les états-majors. « Nous sommes les deux pays les plus réformateurs, nous avons la même vision de l’avenir et de l’évolution de l’OTAN », affirme le Capitaine Balducchi. Il ajoute que les deux pays se sont retrouvés car ils assument aujourd’hui politiquement l’usage de la force armée lorsque nécessaire (Libye ou Afghanistan). « On resserre l’équipe des alliés proches », résume le Capitaine de vaisseau. Il est rejoint dans son analyse par Julien Massie qui confirme l’importance de l’unité transatlantique (USA-Grande-Bretagne-France) qui traduit une conception commune.
Une coopération dynamique
Avec les contractions budgétaires, les armées se recentrent sur l’essentiel et favorisent la coopération dictée par des intérêts communs. En 10 ans, l’armée française a perdu 70 000 hommes. Les armées nationales ne peuvent plus être partout et seules, et doivent s’engager avec leurs partenaires.
« Il y a une vraie dynamique de coopération », lance Christophe Balducchi. Les intérêts des deux pays sont les mêmes et les analyses des menaces sont identiques, selon lui. Mêmes si les armées restent dans leur zone prioritaire, la France en Afrique, la Canada dans le Grand Nord, le militaire souligne la complémentarité des armées sur le terrain. Il donne en exemple le cadre législatif différent de la France et du Canada lors d’une saisie de drogue : les militaires français doivent saisir un juge d’instruction, les militaires canadiens peuvent passer les ballots de drogue par dessus bord.
« il y a des sujets communs de réflexion entre les deux armées », témoigne le militaire français. L’échange d’expérience, le savoir-faire dans les missions civiles, la recherche en matière de défense, la surveillance des espaces, la simulation de vols, sont autant de sujets sur lesquels les armées modernes réfléchissent et échangent des informations.
Alors même si le nucléaire français reste un élément central de la défense de la France, alors que le Canada pousse au désarmement, les coopérations entre les deux armées sont telles qu’un accord politique va prochainement être signé pour cadrer toutes les initiatives des militaires. Le programme de coopération renforcée entre la France et le Canada, énoncé l’année dernière, prévoit « de renforcer les étroites relations entre le Canada et la France au sein de la Francophonie », en matière de sécurité et de défense. Le Canada, partenaire inaliénable des États-Unis, veut maintenir sa « francosphère », et continuer d’élever ainsi son statut international.
(crédit photo : Cirricq – Armée française)