Ironie du sort : alors que la ministre Diane de Courcy courtisait les jeunes de la Chambre de commerce française du Canada, ce vendredi matin à Montréal, pour les retenir au Québec, le budget déposé par le ministre québécois Nicolas Marceau prévoit une révision à la hausse des coûts de formation pour les étudiants étrangers.
« Au cours des prochains mois, le gouvernement s’affairera à revoir la tarification pour les étudiants étrangers avec l’objectif d’assurer un meilleur équilibre entre sa contribution et celle des étudiants ». Le budget Marceau annonce la couleur. Il compte dégager 60 millions d’économie chaque année. Car même s’il reconnait l’importante contribution des étudiants étrangers au développement du Québec, le gouvernement péquiste souligne le coût important pour le gouvernement. Sur les 573 millions de dollars que coûtent la formation, 318 sont financés directement par le gouvernement. Ce sont les coûts d’exemption, qui totalisent 121 millions de dollars, que Nicolas Marceau met en cause. 49% des étudiants sont concernés, dont tous les étudiants français qui en bénéficient au nom d’un accord franco-québécois conclu en 1978.
Régulièrement des voix s’élèvent au Québec pour procéder à une révision des droits de scolarités des étudiants français, qui paient la même chose que les étudiants québécois. Cette situation paradoxale conduit les étudiants canadiens non résidents québécois à payer plus que les étudiants français. Au terme de cet échange, 10 000 étudiants français traversent l’Atlantique chaque année, tandis que 1 000 étudiants français le font en sens inverse.
Le Consul de France à Québec, Nicolas Chibaeff, a d’ores et déjà engagé le dialogue avec les autorités québécoises pour « préserver la place et les conditions de la mobilité étudiante et de la jeunesse, composante essentielle des relations entre la France et le Québec ». Déjà fin 2011, la consule générale de France à Québec, Hélène Le Gall, s’était étonnée de cette polémique, en rappelant que grâce à cet échange, les Québécois accédaient à des programmes et des financements européens, et que la France est le second investisseur au Québec.
De son côté, Frédéric Lefebvre, député UMP d’Amérique du nord, a également réagi aujourd’hui et promis de rencontrer les autorités québécoises lors de son prochain déplacement dans la belle province. « Cette annonce, qui en est encore au stade du projet, peut redéfinir et impacter de façon importante les modalités de la mobilité étudiante entre la France et le Québec », regrette le parlementaire français. Il demande au gouvernement du Québec de préciser si les Français seront touchés par cette mesure.
Du côté des universités du Québec, beaucoup de formations comptent de nombreux étudiants français, parfois même presque la moitié (HEC, certains programmes de l’Université de Montréal). L’attractivité d’une formation en Amérique du nord, à moindre coût, séduit de nombreux jeunes français, qui pourraient réviser leur choix avec une hausse importante des frais de scolarité. Le Québec a néanmoins besoin de cette manne pour maintenir certaines formations pour les Québécois.
« Cette entente avec la France est très importante dans nos relations avec l’Université de Limoges », expliquait François Brouillette, professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières au début du mois, alors que les deux universités viennent de mettre en place une chaire de recherche sur la valorisation des ressources forestières, basée sur l’échange d’étudiants. « On a besoin d’étudiants et la France est un bassin d’étudiants bien formés », ajoutait le professeur.
Mais on sait le budget Marceau en sursis, et les prochaines élections provinciales pourraient bien tuer dans l’œuf ce début de chicane franco-québécoise.
(crédit photo : Frédéric de La Mure / M.A.E.)