Catherine Feuillet veut profiter de l’environnement favorable de Montréal pour promouvoir la place des femmes dans le milieu professionnel. En juin dernier, la consule générale de France a initié une rencontre avec une douzaine de diplomates féminines de la métropole québécoise, qui veulent témoigner de leur parcours dans un univers encore masculin et passer le relais à la nouvelle génération.
« Dès la première rencontre, on s’est rendu compte que l’on s’était heurtée aux mêmes préjugés et aux mêmes difficultés de carrière, malgré des zones géographiques différentes », témoigne la diplomate française. Selon elle, les femmes ne sont pas « spécialement attendues » dans la diplomatie. Parmi les préjugés les plus courants, elle égraine : « Une femme ne peut pas diriger une équipe », « elle n’aura pas les nerfs », « elle ne sera pas disponible », « elle ne saura pas décider sereinement », …
Pourtant, les diplomates du groupe se sont entendues pour affirmer que les femmes pouvaient exercer leur mission différemment, « en recherchant plus le consensus, avec la volonté de faire du lien ». « C’est une caractéristique clé dans la diplomatie », justifie Catherine Feuillet. Selon elle, les femmes sont moins dans la performance et la compétition et plus dans l’atteinte des objectifs, sans pour autant vouloir briller.
Les femmes, la moitié de l’humanité
Mme Feuillet reconnait que, dans une France qui reste encore machiste, l’Administration française et le Ministère des Affaires Étrangères (MAE) en particulier, veillent à la stricte mise en place de la parité, contraints par les dispositions législatives. Alors qu’elle était encore à Paris et que la promotion des femmes s’accélérait pour rattraper un retard de plusieurs années, elle a souvent entendu de la part de ses collègues masculins : « Tu es une femme, tu vas partir ambassadeur ». Elle se fâche : « Comme si j’obtenais ce poste uniquement parce que je suis une femme! Je ne pense pas avoir usurpé mon poste à Montréal. »
Même si elle trouve « dommage » que l’on ait encore besoin d’une Journée de la femme, elle reconnait que cette mesure, comme les dispositifs législatifs de parité, sont nécessaires pour accélérer la prise de conscience. La diplomate française milite pour que les femmes prennent leur juste place dans un monde où elles sont la moitié de l’humanité. « Il ne s’agit pas de substituer les femmes aux hommes, mais de jouer la complémentarité », expose-t-elle. D’ailleurs, son message aux jeunes générations est inclusif : « Ensemble, c’est mieux ».
À ceux qui s’étonnent que le Québec compte deux femmes, chefs de poste des consulats de France de Montréal et Québec, elle rétorque, pour souligner l’absurdité de la remarque: « Aux États-Unis, tous les chefs de poste sont des hommes, qu’en pensez-vous? »
Montréal, un environnement favorable
Le petit groupe de femmes diplomates veut profiter de l’environnement favorable de Montréal qui promeut le « Vivre ensemble » pour aller porter la bonne parole dans les établissements scolaires (cégep et universités). D’ailleurs, Denis Coderre, maire de Montréal, et Christine St-Pierre, ministre de la francophonie et des relations internationales du gouvernement du Québec, se sont montrés intéressés par l’initiative de la diplomate française.
« On veut témoigner de nos parcours, de nos carrières, qui seront surement moins difficiles pour les jeunes filles d’aujourd’hui, car nos sociétés ont évolué, pour passer le relais », fait valoir Catherine Feuillet. Les diplomates, par groupe de deux ou trois, vont se déplacer dans les établissements scolaires pour parler à des auditoires de filles et de garçons. « Les garçons n’ont pas à avoir peur de la place que prennent les filles », clame la diplomate française, qui veut faire tomber la grille de lecture qui catégorise selon le genre. Elle se réjouit de porter le message de parité homme-femme, partie intégrante de la politique étrangère de la France. « Ça fait partie de notre mission », confirme-t-elle.
Des initiatives sont également en préparation avec l’association Ton Avenir en Main (TAM) et avec Caroline Codsi, fondatrice de La Gouvernance au féminin. Un projet devrait également voir le jour en 2017 du côté de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), où la Secrétaire générale a lancé des mesures spécifiques à la promotion des femmes dans l’aviation civile, « un secteur où l’on n’attend pas les femmes », commente Catherine Feuillet.
(crédit photo: Rozenn Nicolle)