Invité au Québec les 11, 12 et 13 octobre derniers, pour témoigner du développement digital des centres Leclerc en Europe, Michel-Édouard Leclerc s’est également livré à un véritable réquisitoire contre la mise en œuvre de l’AECG, négocié par « des élites qui travaillent hors sol », alors même que trois premiers ministres vantaient ses mérites la veille à Montréal.
À quelques jours de la ratification de l’AECG (*) par l’Europe et le Canada, le patron des hypermarchés Leclerc, fils du fondateur des centres Leclerc, Michel-Édouard Leclerc ne décolère pas : « De ce traité, je ne connais rien. Nous sommes tenus dans l’ignorance par nos élites politiques. »
Le patron préféré des Français, à la tête d’un mouvement coopératif qui regroupe 600 commerçants, 2 200 points de ventes spécialisés et une dizaine de site web, croit à la nécessité de baliser les échanges économiques par des traités. Pourtant il dénonce « le vide démocratique » qui a accompagné la négociation de l’AECG et du TAFTA. Il estime qu’en tant que leader de la distribution de l’alimentaire en France (avec 20% de parts de marché), il va être sérieusement impacté par les accords transatlantiques. « Nous sommes le premier distributeur de Coca-Cola en France », justifie le chef d’entreprise. De plus, il invoque la responsabilité sanitaire de la distribution alimentaire, lorsque des poulets avec antibiotiques et OGM vont déferler sur le marché français. « Les normes pour le bio ne sont pas les mêmes! », ajoute-t-il. Michel-Édouard Leclerc regrette, alors qu’il pèse 65 milliards de dollars canadien de chiffre d’affaires, que son avis n’ait même pas été sollicité. « On va vers un clash », prévient-il.
Réagir face à la menace Amazon
Invité par le Sommet international des coopératives à Québec le 11 octobre, et par le Conseil québécois du commerce de détail à Montréal, le 12 octobre, pour son colloque e-Commerce Québec, le patron des centres Leclerc a vanté les mérites du développement de l’internet pour son groupe. « C’est une opportunité pour doper ce que nous avons initié et ça correspond à nos valeurs et à notre philosophie, mais aussi pour revoir notre organisation face à la menace Amazon », commente-t-il. Le digital, introduit dans le groupe il y a trois ans, ne représente que 6% des ventes aujourd’hui, mais le groupe vise 20% à l’horizon 2020. Selon lui, le digital est présent dans tout le système de l’entreprise, à l’interne et vers les clients.
L’enseigne, fidèle à son combat « contre la vie chère », a développé une application mobile permettant de comparer les prix de toutes les enseignes, dans laquelle les produits « Leclerc » s’imposent… évidemment. « C’est la plus grosse application de comparaison de prix », se réjouit M. Leclerc.
La civilisation québécoise, un modèle intéressant pour la France
Les Centres Leclerc pourraient-ils voir le jour sur le sol américain? « Nous y avons pensé il y a quelques années, mais nous ne savons pas exporter notre modèle à l’étranger, se désole Michel-Édouard Leclerc, nous avons échoué dans ce domaine ».
[pullquote]Ça fait de la civilisation québécoise un modèle intéressant pour le futur de la France[/pullquote]
L’enseigne est pourtant présente en Europe (Allemagne, Espagne, Portugal, Pologne, Slovénie), mais la culture et les législations nord-américaines sont trop différentes selon lui. « Malgré la proximité de la langue, culturellement nous sommes très très loin », admet-il. De plus, il explique que les distributeurs nord-américains n’intègrent pas les fonctions « amont », et ne peuvent avoir de performance sur les prix comparable à l’Europe. « Faire du Leclerc ici sans être moins cher, ce serait tromper la promesse ! », s’amuse le patron des hypermarchés.
Néanmoins, Michel-Édouard Leclerc apprécie beaucoup le Québec, ouvert sur le monde, et les Québécois, pour leur attachement à une forme de tradition, comme la préservation de la langue, conjugué avec une avidité de modernité. « Ça fait de la civilisation québécoise un modèle intéressant pour le futur de la France », lance M. Leclerc.
(*) Accord Économique Commercial Global
(crédit photo : Nathalie Simon-Clerc)
Très intéressant comme témoignage. Le « vide démocratique » est en effet affligeant, et c’est d’ailleurs pourquoi une grande partie de la population est hostile à ces traités signés dans leur dos.
Cela étant, ce « vide démocratique » est intrinsèque à l’Union européenne, à son fonctionnement et à ses objectifs. Quand, par excès de bonté, les dirigeants consultent le peuple, si ces derniers, par malheur!, votent « mal », soit on ignore ce vote soit on les fait revoter jusqu’à ce que la masse daigne « bien » voter (cf. les référendum du TCE en France, en Irlande ou aux Pays-Bas).
#FREXIT !!!
Et bien, voilà un entrepreneur collectionnant les succès qui sauve l’honneur de la classe patronale française !