Le comédien français Éric Judor est à Montréal pour présenter le nouveau film de Julien Guetta, Roulez Jeunesse, à l’occasion de la 47ème édition du Festival du Nouveau Cinéma (jusqu’au 13 Octobre). Nous l’avons rencontré.
Entrevue recueillie par Camille Balzinger
C’est l’histoire de quoi, Roulez Jeunesse?
C’est l’histoire d’abandon d’enfants, d’absence de responsabilité parentale, et de rapport avec sa mère, de drogue aussi un peu mais c’est plus un détail, une cause de la situation d’abandon. Mais ça parle principalement du rapport avec la maman, tant pour le personnage principal que pour les enfants.
En parlant d’enfants, comment ça fonctionne de tourner avec des enfants?
De la boxe, beaucoup de boxe, du karaté… En fait, tu essayes d’avoir une relation la plus sincère et ludique possible avant le tournage, pour qu’on soit des copains lorsqu’on tourne. Tu ne peux pas te contenter d’une relation professionnelle, parce que tu auras jamais le meilleur du petit. Le petit [Ilan Debrabant] est formidable ici parce qu’on était tout le temps en train de jouer. On était dans un rapport de jeu, il avait envie de me surprendre, du coup ça donne un truc très naturel.
Et qu’est-ce qui t’a attiré dans le scénario, en particulier?
Mélange des genres, ce qui peut troubler. On se marre et soudain on est sur autre chose que de la comédie pure, mais c’est ce qui nous plaisait. En tournant la page soudain y’a une info flippante qui a plus rien à voir avec le reste de l’humeur du film. C’est ce coup de poing dans le ventre qu’on prend à un moment donné. Quand j’ai lu ça j’ai dit oui direct. Puis c’est plutôt bien écrit je trouve : malin, subtile, et ça défend des choses. Quand on est parents et qu’on regarde ça on a envie d’être responsable et pas d’être la maman de ces gamins. On a envie d’être meilleur.
Est-ce que ce film est très français ?
Je pense pas que ce film soit typiquement français. J’ai l’impression qu’il [Julien Guetta] a fait plus un truc dans l’esprit des comédies dramatiques anglaises qui savent très bien faire ça! Je pense à 4 mariages un enterrement, qui est typiquement une comédie à pleins de moments, et puis y’a des moments où la mort est présente et ça refroidit le soufflet. Et j’aime ce mélange-là. Je sais qu’il est très désorientant pour les gens mais j’aime bien.
Puis comment penses-tu que le film puisse être reçu ici, au Québec?
Le film peut avoir un très grand impact au Québec, déstabiliser le gouvernement, parce que c’est un film coup de poing. Méfiez-vous au Québec, il risque d’y avoir de gros changements! Non, je pense que c’est un film sans prétention, un petit film mignon qui peut laisser un vrai gout assez long, des images et une réflexion chez le spectateur, qui peut durer. Un peu plus que dans les projets que je fais d’habitude qui sont plus légers, à consommer immédiatement et à oublier. Là celui-là il peut laisser un truc.
J’ai l’impression que le thème du rapport à la mère il est universel quoi, je regardais un documentaire sur Alexander McQueen, sur sa façon de créer et son rapport avec sa mère : il s’est suicidé la veille de l’enterrement de sa mère. Une fois qu’elle était morte il ne pouvait plus créer, sa vie artistique était finie donc je pense qu’on est tous plus étroitement liés à nos mères que ce que l’on pense.
Et toi, comment ça va avec ta maman?
Moi je continue d’essayer de plaire à ma mère, quelque part quand je fais mes projets parce que je sais qu’elle est moyennement fan de ce que je fais. Donc j’essaye de me réinventer jusqu’à ce que je trouve la corde qui la fait vibrer. Ce film-là lui a plus, elle m’a dit « Ouais c’est pas mal ». C’est pas non plus l’exubérance, mais ça c’est les autrichiens… Là-dessus je regrette mon père, l’antillais!
Tu disais en Juin vouloir plus de séries typiquement anglaises. Mais ce serait quoi une série typiquement québécoise pour toi, ou le cinéma québécois?
Évidemment Xavier Dolan mais je peux que peu en parler parce que je n’ai rien vu de lui. Je ne connais pas bien le cinéma ni les séries québécoises. La comédie anglaise par contre, c’est celle qui inspire le monde entier. Je pense qu’ils ont une avance sur tout le monde. Je ne sais pas trop d’où ça vient, sans doute de la pluie? Toujours est-il que les anglais sont au-dessus de nous en termes de comédie. La dernière invention en date pour moi c’est Killing Eve, ou Catastrophes, deux séries à l’humour très anglais qui redistribuent les cartes de la comédie encore.
Tu es là dans le cadre du FNC, est-ce que c’est ta première fois à Montréal?
Une quinzaine de fois oui! J’aime bien la ville, j’y vivrais plus que je ne vivrais à Bordeaux par exemple! Pourtant j’aime beaucoup Bordeaux, mais je pense que Montréal c’est mieux encore. Mais je n’ai encore jamais vécu l’hiver ici, le moment où tout le monde se barre en Floride, donc je ne sais pas.
Pourquoi faut-il aller voir Roulez Jeunesse?
C’est un film qu’on ne voit pas arriver. On se prend une petite vague d’émotion qu’on ne voit pas arriver. C’est ce que j’aime dans ce film, c’est la surprise, c’est un moment totalement inattendu qui fait écho chez moi. Je pense que si on rentre dans le film au début, la petite surprise est pas mal. Et c’est pour ça que les gens vont aller le voir!