Depuis Montréal un psychologue français, Carl-Maria Mörch, demande la création d’un ordre des psychologues dans l’Hexagone. Porté par le Club Jean-Jaurès de Montréal, le projet a été approuvé lors des États généraux du parti socialiste, début décembre. Le jeune psychologue espère transformer l’initiative en projet de loi. Psychologue français et doctorant en psychologie communautaire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Carl-Maria Mörch souhaite améliorer la condition des psychologues français. Il prend exemple sur le Québec. Les objectifs : favoriser la formation en continu et mieux protéger les patients. Il s’agit aussi d’éviter aux quelque 4 450 étudiants en psychologie chaque année de se retrouver sur le carreau après leur master clinique (données du Bulletin des Psychologues et de la Psychologie de 2011). Avec près de 30 000 psychologues cliniciens en France, le marché du travail est saturé, selon le doctorant. Le jeune psychologue participe à des colloques sur la psychologie et entend régulièrement se plaindre du manque de moyens et, surtout, de reconnaissance. « Il n’y a pas de regroupement de professionnels et les quelques manifestations menées à droite à gauche pour réclamer plus d’argent ou un meilleur encadrement n’ont pas de visibilité » souligne-t-il. Prendre exemple sur le Québec Son expérience d’immigrant, Carl-Maria Mörch veut donc la mettre à profit de son pays. Pour lui, l’important est de protéger le patient. « Il n’y a pas d’unité en France, donc pas de consensus officiel et pas assez de transparence, indique-t-il. Or c’est primordial si on veut vérifier la pratique d’un collègue mais aussi le défendre s’il fait l’objet d’une plainte. » Les psychologues français ne doivent obtenir qu’une maîtrise professionnelle et quelque 500 heures de stage là où le Québec exige un doctorat, 700 heures de stage et 1 600 heures d’internat. Un ordre permettrait donc de poser quelques règles supplémentaires de formation, comme plus d’heures de pratique. « C’est un métier de curieux, il ne faut pas l’oublier » sourit Carl-Maria Mörch. Alors qu’au Québec, les psychologues sont formés et supervisés tout au long de leur carrière, ce n’est pas obligatoire en France. Même chose du côté du code de déontologie, qui reste consultatif et non impératif, selon le doctorant. « On est censé bien connaître notre profession mais en France, si on commet une erreur, on n’est pas radié de la profession, comme c’est le cas en médecine » précise-t-il. « Cesser de former des psychologues à perte » D’aucuns craignent cependant qu’un Ordre ne génère des intérêts corporatistes. « Une des craintes raisonnables pourrait être qu’un Ordre risque d’uniformiser la pratique, note le psychologue. Mais, même si on ne l’appelle pas Ordre, l’idée est la même : il ne s’agit pas de critiquer le travail de ceux qui le font correctement, mais de mieux encadrer la profession. » Et, selon M. Mörch, le climat est propice à la proposition en France. « Les jeunes psychologues qui arrivent sur le marché du travail ne sont pas entendus et peinent à trouver un emploi stable, alors pourquoi ne pas s’organiser entre nous pour se faire entendre ? On ne peut pas continuer à former des gens à perte » conclut-il. Pour ce projet, Carl-Maria Mörch compte bien profiter du projet de loi de santé de la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine. Présenté en conseil des ministres le 15 octobre dernier, le projet de loi devrait être examiné au Parlement en avril. « On trouve une bonne oreille du côté du PS et c’est le moment pour faire bouger les choses en matière de santé mentale » assure le psychologue. Créer un Ordre pour faciliter un arrangement de reconnaissance mutuelle ? La France et le Québec ont, à ce jour, signé 81 arrangements de reconnaissance mutuelle (ARM), facilitant la reconnaissance des diplômes et l’exercice d’une profession lors d’une immigration. Mais si les psychologues français peuvent exercer au Québec, aucun ARM ne leur facilite l’accès à l’emploi. C’est l’Ordre des psychologues du Québec qui procède à l’analyse des dossiers, et les décisions sont prises au cas par cas. Ce processus peut « prendre une bonne année », selon Carl-Maria Mörch, là où « un ARM pourrait accélérer le processus d’accès » rappelle le secrétaire général de l’Ordre des psychologues du Québec, Stéphane Beaulieu. Avec un Ordre français prévoyant une formation jusqu’au doctorat, comme le souhaite M. Mörch, cela pourrait faciliter les pourparlers entre les deux gouvernements. À ce jour, aucune discussion n’a abouti. » Le processus pour un ARM est arrêté et les derniers échanges remontent à plus d’un an mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aura jamais d’accord » assure M. Beaulieu. Pour le secrétaire général, la création d’un Ordre des psychologues en France ne réglerait toutefois pas tout. » Ce n’est pas parce qu’il y a un Ordre en France que ce serait plus facile d’accéder à l’ARM, précise-t-il. Dans ce type d’entente, ce sont les gouvernements qui transigent sur la question et si un seul point bloque, l’ARM n’est pas signé. » (crédit photo : Rozenn Nicolle – Légende : Carl-Maria Mörch)]]>
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