La pièce En Attendant Godot de Samuel Beckett est présentée au Théâtre du Nouveau Monde à Montréal jusqu’au 31 mars. Mise en scène par François Girard, ce classique nous plonge dans l’absurdité de la vie, cette attente interminable d’un sauveur qui ne viendra jamais.
Le bruissement des feuilles, le vent qui semble s’engouffrer dans la salle, la lumière s’éteint doucement pour nous laisser face à face avec Vladimir et Estragon. Ces deux personnages emblématiques prennent place dans un décor sobre, mais pourtant si symbolique. Le traditionnel banc est remplacé par une butte de sable, coincée entre le vide et un arbre rachitique qui semble être la seule chose bien réelle à cet instant.
Le décor forme un sablier, grâce auquel on comprend vite comment et à quelle vitesse le temps s’écoule, ce temps qui rend fous les personnages autant que nous. Tout ceci est bien moderne et pourtant fidèle à l’ambiance de cette pièce écrite à Paris après la Seconde Guerre Mondiale.
La chimie opère entre les comédiens
Il est rare de se sentir happé, comme dans une faille temporelle, comme s’il s’agissait d’un tête à tête entre les comédiens et le public. Vladimir et Estragon sont des personnages attachants, brillamment interprétés par Alexis Martin et Benoît Brière. La chimie opère bien entre les deux comédiens, surtout en deuxième partie de spectacle. Les silences sont pesants, les rires remplissent tout l’espace, et leurs mimiques sont à la fois gênantes et drôles. Cette interprétation de leurs personnages respectifs laisse tout à fait place à la langue française, à ses nuances, qui sont, ailleurs, souvent camouflées au profit de la mise en scène. Ici, François Girard a fait le pari de mettre en avant la beauté de ce texte, en laissant s’exprimer la subtilité des mots, les sous-entendus et l’ironie.
Lorsque le personnage Pozzo (Pierre Lebeau) et son esclave Lucky (Emmanuel Schwartz) rentrent sur scène, une autre dynamique les accompagne. On est subjugué par la prestation du jeune Emmanuel Schwartz, qui se lance dans un monologue à couper le souffle. Les spectateurs ont d’ailleurs pris la peine de l’applaudir à la fin de sa tirade impressionnante.
Le rideau se lève une dernière fois sur un sablier retourné. L’arbre a désormais des feuilles, mais tout est à sa place, comme pour nous faire réaliser que le premier acte n’a jamais vraiment existé… Nous allons redécouvrir les personnages, leurs délires, mais aussi leur attachante manière de refuser la réalité. L’attente recommence, comme un sablier que l’on retournerait éternellement, jusqu’à en devenir fou.
En Attendant Godot au Théâtre du Nouveau-Monde, jusqu’au 31 mars
(crédit photo de Une : Yves Renaud – Théâtre du Nouveau-Monde – Gracieuseté)