Le nouveau long métrage de Xavier Dolan Juste la fin du monde, est diffusé depuis le 21 septembre sur les écrans du Québec. Un film à la distribution uniquement française, qui s’inspire de la pièce de l’auteur français Jean-Luc Lagarce et qui nous laisse pensifs, tristes et énervés. Une autre petite pépite de ce réalisateur québécois.
On retrouve Louis (Gaspard Ulliel) dans un taxi, direction sa famille qu’il n’a pas revue depuis 12 ans. Cette famille qui lui fait peur, de laquelle il s’est éloigné pour construire sa propre vie, sa mère, son frère et sa sœur à qui il doit annoncer sa mort prochaine. Les premières minutes sont lourdes, lourdes d’un passé qu’on ne connaît pas, mais qui semble atteindre le personnage, atteindre sa famille. L’absence d’un proche n’est jamais facile, encore moins son retour après tant d’années. La musique entêtante de Camille Home is where it hurts, nous plonge dans cette famille banale finalement, qui doit avancer avec les désirs des uns et des autres, qui doit s’adapter pour laisser vivre chacun.
Le texte original de Jean-Luc Lagarce est très riche, laissant peu de place aux silences. Pourtant dans cette adaptation de Xavier Dolan, les silences sont présents, et disent parfois plus de choses qu’un texte. Les phrases, les reproches, les mots durs prononcés dans le film ne sont là que pour faire taire l’essentiel. A-t-on véritablement besoin de mots pour faire passer un message ? Le regard ne suffit-il pas ? Pendant plus d’1H30, les acteurs nous prouvent que parfois, il vaut mieux ne rien dire, se regarder, profiter de l’instant, ou au contraire faire passer un message, un reproche rien que par le regard et la gestuelle. Marion Cotillard, qui interprète le rôle de Catherine, semble avoir de la difficulté à s’exprimer avec des mots, pourtant elle est peut-être la seule à vraiment comprendre Louis (Gaspard Ulliel). Et ce fameux Louis, personnage central de l’histoire ne trouve pas les mots, ne sait pas comment annoncer à cette famille si étrangère qu’il va mourir, et qu’il ne reviendra plus jamais les voir. Il est tellement difficile d’imaginer devoir dire cela à ses proches… Peut-être qu’il ne faut finalement rien dire, laisser sous-entendre.
Xavier Dolan nous emmène ici dans un univers torturé différent de ce que l’on connaît déjà de lui. On se retrouve au centre de cette famille, comme un personnage à part entière. On a envie de prendre la parole, de crier, de s’époumoner plus fort que tous les acteurs. On pleure, tellement que plus personne n’a vraiment envie de parler ensuite. De toute façon, nous non plus on ne pourrait trouver les mots. On s’identifie à cette famille meurtrie par la vie, par un départ. Les fesses bien au fond du siège on regarde impuissant cette fable familiale qui pourrait parfois faire écho à la nôtre. Les mains serrées entre elles tellement fort que les ongles feront des marques dans la chair à la sortie. Ce casting français absolument parfait ébloui par sa justesse, par l’émotion, l’amour et la haine qui se lit sur chaque visage. Les plans rapprochés sur les yeux, au point d’y voir le décor au travers. Ce ping-pong de caméras entre des êtres qui ne savent plus comment faire pour être une vraie famille, unie, soudée. Les cris d’une sœur, d’une mère qui voit l’un des leurs s’en aller, encore. À jamais. C’était juste la fin du monde, la fin de leur monde à eux.